Le datajournalisme donne un coup de jeune au Guardian

En proie à des difficultés financières, The Guardian tente de se relancer en anticipant le virage numérique qu’est en train de prendre la presse du début de XXIè siècle. Application Facebook, robot Twitter, journalisme collaboratif, application Ipad, le journal anglais n’en finit plus d’innover. Focus aujourd’hui sur leur site de datajournalisme. Lancer un tel site peut-il remettre The Guardian sur de bons rails ?

Le datajournalisme. Une pratique en vogue ces derniers temps, qui consiste à rendre accessible au citoyen lambda un ensemble de données chifrées fournies par des institutions, et pas toujours compréhensibles sans décryptage. Encore relativement peu connue car peu utilisée en France, le datajournalisme fait fureur chez certain de nos voisins européens. C’est le cas notamment en Grande Bretagne, où l’un des journaux historiques du pays, The Guardian, n’a pas hésité à créer un site spécialement réservé au datajournalisme: le Datablog.

Le site est dirigé par Simon Rogers, désigné meilleur web journaliste Britannique fin 2011 par le Oxford Internet Institute. Ce dernier accordait il y a peu une interview à Libération où il expliquait l’importance du rôle d’un datajournaliste :

« Les gouvernements publient davantage d’informations, mais pas toujours dans une forme accessible malheureusement. Ces données sont trop fréquemment publiées dans des formats pauvres, comme le .PDF, ou sans les informations qui permettent de les comprendre et de les exploiter. Il est également très difficile d’obtenir les données brutes, avant qu’elles soient agrégées dans des tableaux. Puis il y a un autre problème qui est l’utilisation d’une géographie qui n’est pas toujours cohérente et complique la comparaison de ces données… Nous pouvons néanmoins être le relais entre ces données et les citoyens qui tentent de comprendre mais ne savent pas par où commencer. »

Le phénomène du datajournalisme est en pleine expansion donc. Wikileaks y est pour beaucoup. De ce point de vue, il est donc normal que The Guardian se soit intéressé à cet outil, en partant d’un constat simple. Nous sommes inondés d’information. Grâce à Internet notamment, n’importe quel citoyen a désormais accès a des données introuvables auparavant. Seulement ces données sont nombreuses, et parfois même contradictoires. Le travail des datajournalistes du Guardian, au quotidien, consiste donc à vérifier les données et à les structurer. Et la grande nouveauté c’est qu’une fois l’article publié, au lieu de faire disparaitre ces données, elles sont ouvertes et publiées sur le Datablog, où tout le monde est libre de les consulter.

Seulement, si louables soient les intentions du Guardian et de ses journalistes 2.0, la réalité de la presse aujourd’hui, c’est la crise et les difficultés économiques. Avec près de 40 millions d’euros de perte en 2010, The Guardian n’y échappe pas. Il faut y faire face et se renouveler constamment pour ne pas sombrer. C’est pourquoi le Datablog n’est qu’une nouveauté parmi beaucoup d’autres dans cet océan d’innovations technologiques que nous propose The Guardian. L’objectif est clair: redresser le journal. Trop tôt pour savoir si toutes ces initiatives seront financièrement bénéfiques à terme, mais ce n’est en
tout cas pas faute d’essayer. Il en va de la perennité du journal.

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